Échos de la visite ad limina Apostolorum de novembre 2022
C’est dans l’action de grâce que je suis revenu de la visite ad limina Apostolorum à Rome le 27 novembre 2022. C’était la troisième visite depuis mon élection comme évêque de Tournai le 22 mai 2003.
Au temps de saint Jean-Paul II
La première avait eu lieu du 17 au 22 novembre 2003, avec une rencontre en seul à seul avec le pape saint Jean-Paul II, déjà bien fragilisé par la maladie de Parkinson.
Au temps de Benoît XVI
La deuxième avait eu lieu du 3 au 8 mai 2010. Alors que les évêques belges étaient abattus par la démission forcée de l’évêque de Bruges, qui avait reconnu avoir abusé un de ses neveux, la visite à Rome s’était déroulée comme si de rien de n’était. Le pape Benoît XVI avait manifesté son amitié pour le peuple belge, au cours de son discours prononcé devant les évêques belges. Il les avait tous reçus, un par un, pendant vingt minutes. Moment inoubliable pour chacun d’entre eux.
Au temps de François
En mars 2013, le Cardinal Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires en Argentine, est élu Évêque de Rome, Successeur de Pierre ; il prend le nom de François, en mémoire du Poverello d’Assise.
Evangelii Gaudium (2013)
Parmi les étapes significatives de son pontificat, nous avons l’Exhortation apostolique Evangelii Gaudium (24 novembre 2013), en mémoire de l’Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi (8 décembre 1975) du pape saint Paul VI, suite au Synode des Évêques de 1974 sur l’évangélisation dans le monde moderne, et en mémoire du document Disciples et missionnaires de Jésus-Christ pour que nos peuples aient la vie en Lui, suite à la Ve Conférence Générale de l’Episcopat latino-américain et des Caraïbes, qui avait eu lieu à Aparecida au Brésil du 13 au 31 mai 2007.
Praedicate Evangelium (2022)
Parmi les demandes formulées par les Cardinaux avant le conclave de 2013, nous avions le souhait de réformer la Curie Romaine. Le pape François a réuni, plusieurs fois par an, un groupe de cardinaux pour réaliser cette tâche. Le 19 mars 2022, le pape François a promulgué la Constitution apostolique Praedicate Evangelium, sur la Curie Romaine et son service à l’Église dans le monde. En 249 articles, précédés d’un Préambule, des Principes et critères pour le service de la Curie Romaine, nous avons une présentation quasi exhaustive des missions de la Curie Romaine.
Quand nous regardons plus précisément la mission de la Curie Romaine, nous apprenons ceci : La Curie romaine est au service du Pape qui, « comme Successeur de Pierre, est le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles ». En vertu de ce lien, l’action de la Curie romaine est en relation organique avec le Collège des évêques comme avec chaque évêque en particulier, ainsi qu’avec les Conférences épiscopales et leurs Unions régionales et continentales, et avec les Structures hiérarchiques orientales, qui sont de grande utilité pastorale et expriment la communion affective et effective entre les évêques. La Curie romaine ne se situe pas entre le Pape et les évêques, elle se met plutôt au service des deux selon les modalités propres à la nature de chacun (n° 8 du Préambule).
L’attention que la présente Constitution apostolique porte aux Conférences épiscopales et, de manière correspondante et appropriée, aux Structures hiérarchiques orientales, vise à les valoriser dans leurs potentialités, sans qu’elles agissent comme une interposition entre le Pontife romain et les évêques, mais au contraire en étant pleinement à leur service. Les compétences qui leur sont attribuées dans les présentes dispositions visent à exprimer la dimension collégiale du ministère épiscopal et, indirectement, à renforcer la communion ecclésiale en concrétisant l’exercice conjoint de certaines fonctions pastorales pour le bien des fidèles de leurs nations respectives ou d’un territoire déterminé (n° 9 du Préambule).
Il n’est pas question de donner à la Curie Romaine une mission de surveillance des évêques, avec des remarques, des injonctions, des punitions. Pour rendre possible et efficace la mission pastorale du Pontife romain reçue du Christ Seigneur et Pasteur, dans sa sollicitude pour toute l’Église, et pour maintenir et cultiver le rapport entre le ministère pétrinien et le ministère de tous les évêques, le Pape, « dans l’exercice de son pouvoir suprême, plénier et immédiat sur l’Église universelle, se sert des dicastères de la Curie romaine : c’est donc en son nom, et par son autorité que ceux-ci remplissent leur tâche pour le bien des Églises et le service des pasteurs sacrés ».
La Curie est ainsi au service du Pape et des évêques lesquels, « avec le Successeur de Pierre, ont la charge de diriger la maison du Dieu vivant ». La Curie exerce ce service aux évêques dans leurs Églises particulières, dans le respect de la responsabilité qui leur est due en tant que successeurs des apôtres (Premier paragraphe des Principes et Critères pour le service de la Curie romaine).
En quoi consiste une Visite ad limina Apostolorum ?
Parmi les « activités » de la Curie romaine, nous avons la Visite ad limina Apostolorum (articles 38 à 42). La visite s’articule en trois moments principaux : le pèlerinage sur les tombes des Princes des apôtres, la rencontre avec le Pontife romain et les entretiens dans les dicastères et les organes de justice de la Curie romaine (article 41).
Les préfets ou ceux qui leur sont assimilés et les secrétaires respectifs des dicastères et des organes de justice se prépareront avec diligence aux rencontres avec les pasteurs des Églises particulières, des Conférences épiscopales et des Structures hiérarchiques orientales, en examinant attentivement les rapports reçus de leur part (article 42 § 1).
Lorsqu’ils rencontrent les pasteurs mentionnés au § 1, les préfets, ou leurs équivalents, et les secrétaires respectifs des dicastères et des organes de justice, par un dialogue franc et cordial, doivent les conseiller, les encourager, leur donner des suggestions et des indications appropriées en vue de contribuer au bien et au développement de toute l’Église, et à l’observance de la discipline commune, en recueillant auprès d’eux des suggestions et des indications pour offrir un service toujours plus efficace (article 42 § 2).
Quelle est la structure de la Curie romaine ?
La Curie romaine est composée de la Secrétairerie d’État, de dicastères et d’organismes, tous juridiquement égaux. Les services de la Curie romaine sont la Préfecture de la Maison pontificale, l’Office des Célébrations Liturgiques du Souverain Pontife et le Camerlingue de la Sainte Église Romaine.
Secrétairerie d’État
La Secrétairerie d’État, en tant que secrétariat papal, assiste étroitement le Pontife romain dans l’exercice de sa mission suprême. Elle est dirigée par le Secrétaire d’État, le Cardinal Pietro Parolin (Italie). La Secrétairerie d’État comprend trois Sections : la Section pour les Affaires Générales sous la direction du substitut, avec l’assistance de l’assesseur ; la Section pour les Relations avec les États et les Organisations Internationales, sous la direction de son propre secrétaire, Mgr Paul Richard Gallagher (Royaume-Uni); la Section pour le Personnel Diplomatique du Saint-Siège, sous la direction du secrétaire pour les représentations pontificales.
Les évêques belges ont eu une rencontre exceptionnellement riche avec le Cardinal Parolin et Mgr Gallagher (Relations avec les États). Il va de soi que ce qui se dit au cours de ces rencontres a, d’office, un caractère confidentiel.
Seize Dicastères
Le Dicastère pour l’évangélisation est composé de deux Sections : l’une pour les questions fondamentales de l’évangélisation dans le monde et l’autre pour la première évangélisation et les nouvelles Églises particulières dans les territoires de sa compétence.
Le Dicastère est présidé directement par le Pontife romain. Chacune des deux sections est gouvernée en son nom et son autorité par un pro-préfet. Pour les questions fondamentales, Mgr Salvatore Fisichella (Italie) ; Pour la première évangélisation et les nouvelles Églises particulières, le Cardinal Luis Antonio Tagle (Philippines). Les évêques belges ont eu une rencontre avec Mgr Fisichella et Mgr Franz-Peter Tebarz-van Elst (première section) ainsi qu’avec le Cardinal Tagle, Mgr Protase Rugambwa (secrétaire) et le responsable des Œuvres Pontificales Missionnaires.
Le Dicastère pour la Doctrine de la Foi est composé de deux Sections, doctrinale et disciplinaire, chacune coordonnée par un secrétaire qui assiste le préfet dans le domaine spécifique de sa compétence. Le préfet du dicastère est le Cardinal Luis Francisco Ladaria Ferrer (Espagne), que les évêques belges ont rencontré.
Au sein du Dicastère est instituée la Commission Pontificale pour la Protection des Mineurs, dont le secrétaire est le Père Andrew Small, Oblat de Marie Immaculée. Les évêques belges ont eu un long entretien avec lui est ses conseillers.
Le Dicastère pour le Service de la Charité, appelé aussi Aumônerie apostolique, en lien avec les autres dicastères compétents en la matière, rend concrète, par son activité, la sollicitude et la proximité du Pontife romain, en tant que Pasteur de l’Église universelle. Le Préfet en est le Cardinal Konrad Krajewski (Pologne). Nous n’avons pas eu de rencontre avec ce Dicastère.
Le Dicastère pour les Églises orientales traite des questions relatives aux Églises catholiques orientales. Quelques évêques sont allés à la rencontre du Préfet, le Cardinal Leonardo Sandri (Argentine). Le pape François vient de désigner son successeur, Mgr Claudio Gugerotti, qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2023.
Le Dicastère pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements promeut la liturgie sacrée conformément au renouveau entrepris par le Concile Vatican II. Le préfet en est le Cardinal Arthur Roche (Royaume-Uni), avec qui tous les évêques belges ont parlé.
Le Dicastère des Causes des Saints s’occupe de tout ce qui concerne les causes de béatification et de canonisation. Le préfet en est le Cardinal Marcello Semeraro (Italie). Nous n’avons pas eu de rencontre avec ce dicastère.
Le Dicastère pour les Évêques est responsable de tout ce qui concerne l’établissement et la provision des Églises particulières et l’exercice de l’office épiscopal dans l’Église latine, restant sauve la compétence du Dicastère pour l’Evangélisation. Le préfet en est le Cardinal Marc Ouellet. Nous avons eu au cours de la rencontre un éclairage bien instructif sur le ministère épiscopal. Le Cardinal Ouellet était accompagné de Mgr Ilson de Jesus Montanari (secrétaire).
Le Dicastère pour le Clergé s’occupe de tout ce qui concerne les prêtres et les diacres du clergé diocésain concernant leur personne, leur ministère pastoral et ce qui est nécessaire à son exercice fructueux. Le Dicastère manifeste et met en œuvre la sollicitude du Siège apostolique pour ce qui concerne la formation des candidats aux ordres sacrés. Le Préfet en est le Cardinal You Heung-sik Lazzaro (Corée du Sud), que les évêques belges ont rencontré.
Le Dicastère pour les Instituts de Vie Consacrée et Les Sociétés de Vie apostolique a la compétence d’animer et de réglementer la pratique des conseils évangéliques, telle qu’elle est vécue dans les formes approuvées de vie consacrée, ainsi que tout ce qui concerne la vie et l’activité des Sociétés de vie apostolique dans toute l’Église latine. Le Préfet en est le Cardinal Joao Braz de Aviz (Brésil). Les évêques belges ont rencontré Mgr Pier Luigi Nava, sous-secrétaire.
Le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie est compétent pour la valorisation de l’apostolat des fidèles laïcs, la pastorale des jeunes, de la famille et de sa mission dans le dessein de Dieu, des personnes âgées, ainsi que de la promotion et la défense de la vie. Ce Dicastère est récent. Il reflète les préoccupations du pape François en bien des matières « neuves » de la pastorale. Le Préfet en est le Cardinal Kevin Joseph Farrell (États-Unis). Les évêques belges ont eu la joie de voir à côté du Cardinal des collaboratrices très au point des questions traitées.
Le Dicastère pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens met en œuvre l’engagement œcuménique par des initiatives et des activités appropriées, tant à l’intérieur de l’Église catholique que dans les relations avec les autres Églises et Communautés ecclésiales, afin de rétablir l’unité entre les chrétiens. Le Préfet en est le Cardinal Kurt Koch (Suisse), que les évêques belges ont rencontré. Mgr Johan Bonny a été chargé, dans ce Dicastère, durant de nombreuses années, des Églises orientales anciennes.
Le Dicastère pour le Dialogue Interreligieux favorise et réglemente les relations avec les membres et les groupes de religions qui ne sont pas incluses sous le nom de chrétiennes, à l’exception du judaïsme, dont la compétence relève du Dicastère pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens. Le Préfet en est le Cardinal Miguel Angel Ayuso Guixot (Espagne) que quelques évêques belges ont rencontré. J’ai été membre de ce Dicastère de 2007 à 2012.
Le Dicastère pour la Culture et l’Éducation œuvre au développement des valeurs humaines dans l’horizon de l’anthropologie chrétienne, contribuant à la pleine réalisation des personnes à la suite de Jésus-Christ. Le Dicastère est composé de la Section pour la Culture et de la Section pour l’Education. Le Préfet en est la Cardinal José Tolentino Calaça de Mondonça (Portugal). Les évêques belges ont rencontré des collaborateurs de ce dernier.
Le Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral a pour mission de promouvoir la personne humaine et sa dignité reçue de Dieu, les droits de l’homme, la santé, la justice et la paix. Il s’intéresse principalement aux questions liées à l’économie et au travail, à la protection de la création et de la terre comme « maison commune », aux migrations et aux urgences humanitaires. Le Préfet en est le Cardinal Michael Czerny (d’origine Tchèque, Canada). Ici encore, le Dicastère est récent et comprend nombre de personnes très compétentes selon les domaines abordés. Dans la présentation du Dicastère, j’ai eu la joie de voir la citation biblique du Synode diocésain de Tournai : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie, la vie en abondance ».
Le Dicastère pour les textes Législatifs promeut et diffuse dans l’Église la connaissance et la réception du droit canonique de l’Église latine et des Églises orientales. Il offre également une assistance pour son application correcte. Quelques évêques belges ont rencontré le Préfet, Mgr Filippo Iannone (Italie).
Le Dicastère pour la Communication s’occupe de l’ensemble du système de communication du Siège apostolique. Dans une unité de structure qui respecte les caractéristiques opérationnelles de chacun, il unifie toutes les réalités du Saint-Siège dans le domaine de la communication, afin que le système dans son ensemble réponde de manière cohérente aux besoins de la mission évangélisatrice de l’Église, dans un contexte caractérisé par la présence et le développement des médias digitaux et par des facteurs de convergence et d’interactivité.
On le voit immédiatement, ce Dicastère est en pleine restructuration des objectifs et des moyens, avec un personnel très diversifié au plan des compétences. Il a été créé par le pape François en 2015. Les évêques belges ont rencontré pas mal de personnes du Dicastère lors de la visite ad limina, dont Monsieur Andrea Tornielli (Italie), directeur éditorial. Le Préfet en est Monsieur Paolo Ruffini (Italie).
Secrétariat général du Synode
Le Secrétariat général du Synode, dont le Préfet est le Cardinal Mario Grech (Malte), a présenté, en présence de Mgr Luis Marin de San Martin et Sœur Nathalie Becquart, l’évolution du Synode dans sa phase continentale. Les évêques belges ont pu poser beaucoup de questions.
Une rencontre d’un nouveau style: interdicastérielle
En plus de la rencontre avec les Préfets des différents Dicastères, les évêques belges ont participé à une rencontre interdicastérielle – avec plusieurs chefs de dicastères – sous la présidence du Cardinal Secrétaire d’État.
Caritas Internationalis à Rome
Les évêques ont également rendu visite à Caritas, en périphérie avec les Pauvres, dont le secrétaire général est Monsieur Aloysius John (Français né en Inde). Depuis lors, le pape François a suspendu la direction de Caritas Internationalis à Rome.
Rencontre avec le Pape François
Les évêques ont eu une rencontre de près de deux heures avec le Pape François. Nous avons pu poser toutes les questions que nous voulions ; toutes ont reçu une réponse claire, théologiquement justifiée, spirituellement enracinée. Voyons cela au plan pastoral ; comment le suc de la Tradition peut-il nous aider à progresser ; quel discernement opérer quand nous sommes devant le Seigneur, à l’écoute de sa Parole.
Le Pape a une capacité de bien saisir ce dont on parle et une structure de pensée qui ne craint pas les difficultés qui se présentent. En même temps, je m’en suis rendu compte, c’est aussi quelqu’un qui « gouverne » et qui a une « vision » de l’avenir de l’humanité, eu égard aux questions traitées dans les encycliques Laudato Si’ (2015) et Fratelli tutti (2020).
Appréciations
Sans divulguer le contenu des rencontres avec le Saint-Père, les différents dicastères, de soi confidentiel, je peux donner quelques appréciations.
- Climat ouvert
Les responsables des dicastères étaient ouverts à nos questions. Les rapports des différents diocèses envoyés en janvier 2022 contenaient des questions. Elles ont été entendues. Certaines ont reçu une réponse ou ont fait l’objet de suggestions.
- Éclairer la situation de l’Église catholique en Belgique
Pour certains responsables, qui ont une vision de la Belgique des années 1950, connue pour l’envoi de missionnaires dans le monde entier ; connue pour les théologiens et canonistes belges appelés comme experts (periti) au Concile Vatican II ; connue encore par l’action catholique initiée par le futur Cardinal Joseph Cardijn, il y a comme une incompréhension de la situation actuelle marquée par des lois qui n’ont plus rien à voir avec l’enseignement moral de l’Église catholique (avortement, procréation médicalement assistée, euthanasie, mariage de personnes de même sexe).
Autre signal perçu négativement : le petit nombre de personnes qui se présentent pour devenir prêtres ou pour être engagées dans la vie consacrée. Le fait d’accueillir des prêtres venus d’ailleurs, d’engager des fidèles laïcs pour exercer des missions pastorales ne fait que renforcer l’impression que tout se déglingue.
Devant cette « incompréhension » de la situation de l’Église catholique en Belgique, on peut essayer de faire comprendre en quoi la « sécularisation » modifie le cadre des années 1950. Le Cardinal Jozef De Kesel, lors de sa conférence de presse à la fin de la visite ad limina, a bien insisté sur l’importance de faire comprendre ce qui se passe. Avec un regard ouvert, qui ne condamne pas l’évolution de la société. Avec un regard de foi, qui discerne ce que Dieu propose comme Parole pour témoigner du salut de tout être humain.
Dans ce contexte, le catholique cherche à voir, en Église, les signes des temps, tels que la Constitution pastorale de Vatican II Gaudium et Spes les propose. Cela suppose humilité, discrétion, comme le dit la 1ère lettre de l’apôtre Pierre : Qui vous fera du mal, si vous vous montrez zélés pour le bien ? Bien plus, au cas où vous auriez à souffrir pour la justice, heureux êtes-vous. N’ayez d’eux aucune crainte et ne soyez pas troublés ; mais sanctifiez dans vos cœurs le Christ qui est Seigneur. Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte. Mais que ce soit avec douceur et respect, en ayant une bonne conscience, afin que, sur le point même où l’on vous calomnie, ceux qui décrient votre bonne conduite en Christ soient confondus. Car mieux vaut souffrir en faisant le bien, si telle est la volonté de Dieu, qu’en faisant le mal (1 P 3,13-17).
C’est dans cet esprit que les évêques belges ont essayé de faire comprendre la mission de l’Église, le témoignage ecclésial dans une société dont ils sont des citoyens qui se mettent au service de tant de pauvretés, de blessures, de souffrances, avec le souci pastoral d’annoncer une Bonne Nouvelle pour tous. Le fait que la Belgique est devenue une société multiculturelle est à prendre au sérieux.
Il n’est pas juste de dire que l’Église catholique est devenue un groupe minoritaire, presque inexistant. C’est faux ! Nous sommes moins nombreux, certes. Mais nous existons toujours. La voix de l’Église catholique, comme conviction, a encore un impact en Belgique. Nous avons dans la société plusieurs types de religions, de convictions. Il faut en tenir compte, cela va de soi. Nous avons, en Église, à bien discerner ce que nous fait « voir » et à prendre des décisions en conséquence. Pas de lamentations sur le passé révolu. Ce n’est pas le monde qui change, a répété le Cardinal ; nous avons changé de monde !
- Nous avons pris nos responsabilités
La crise de la pédophilie dans l’Église catholique a été pour tous, les évêques compris, un scandale. Nous avons réagi avec l’aide du Parlement fédéral, et avec des experts dans ce genre de délit. Nous avons essayé de montrer en quoi la recherche de solutions juridiques, avec l’aide du Parlement, nous a permis d’indemniser les victimes qui le souhaitaient, alors que leur « cause » était prescrite aux yeux de la Loi. Nous sommes toujours à l’écoute des victimes ; nous essayons de mettre en place une prévention qui permettrait d’éviter des dérives nouvelles. Nous savons bien que tout n’est pas « terminé », mais nous y travaillons. Sur ce dossier qui a décrédibilisé l’Église catholique pour de nombreuses années, nous avons pris nos responsabilités.
- Priorité à l’accompagnement des personnes croyantes qui demandent un geste pour les encourager à vivre de l’Évangile
Depuis des décennies, les évêques sont attentifs à la situation de personnes qui ont vu s’écrouler leur projet matrimonial. De manière plus récente, les évêques sont interpellés par des personnes qui, en raison de leur orientation sexuelle, ne voient pas immédiatement comment vivre de l’Évangile.
Les évêques écoutent les pasteurs qui rencontrent ces personnes ; bien souvent également, les évêques connaissent des situations de ce genre. Des experts en sciences humaines font avancer la réflexion. Un discernement s’impose en étant évidemment fidèle à la Parole de Dieu contenue dans l’Écriture et portée par la grande Tradition de l’Église.
Devant des situations nouvelles au plan pastoral, nous cherchons à discerner et nous avons à fortifier la foi de ceux qui cherchent la lumière, le bonheur. Et nous respectons le choix fait en conscience par ceux qui nous interpellent.
Le Cardinal a bien insisté sur ce cheminement dans le discernement moral.
Un pèlerinage comme successeurs des apôtres
Une visite ad limina Apostolorum comprend la prière sur la tombe de l’apôtre Pierre à la Basilique Saint-Pierre et sur la tombe de l’apôtre Paul à la Basilique Saint-Paul hors les murs. Deux martyrs, témoins du Christ mort et ressuscité. Ces deux apôtres ont une mission jusqu’à la consommation des siècles quand le Christ viendra en gloire. Leur être unis fait partie du ministère de l’évêque.
Les évêques célèbrent également à la Basilique Saint-Jean de Latran, la cathédrale de l’évêque de Rome, et à la Basilique Sainte-Marie-Majeure, qui contient l’icône de Marie, Salut du peuple romain, que le Pape François va vénérer avant de partir pour une visite pastorale quelque part sur la planète et après son retour.
Cette année, les évêques ont célébré à l’église du Campo Santo dei Teutonici et dei Fiamminghi (en allemand) et à la Basilique des Saints-Jean-et-Paul, l’église attribuée au Cardinal De Kesel, une église des Passionistes (en italien). Le premier dimanche de l’Avent, le Cardinal a présidé l’eucharistie de 9 h en la Basilique Saint-Pierre.
Nous avons aussi célébré les vêpres à l’église Saint-Julien-des-Flamands, suivies du Te Deum pour le Roi.
Enfin, nous avons eu la joie d’être reçus par l’ambassadeur de Belgique près le Saint-Siège, M. Patrick Renault ; par la communauté belge à Saint-Julien-des-Flamands, qui est l’église nationale belge à Rome ; par le Collège belge et la Communauté des Frères de la Charité ; par l’ambassade de Belgique pour la conférence de presse du Cardinal et la collation qui a suivi.
Merci aux deux porte-parole, le Père Tommy Scholtes et M. Geert De Kerpel ; merci au Secrétaire général de la Conférence épiscopale, Mgr Herman Cosijns, et au Recteur du Collège belge, Mgr Dirk Smet, qui ont, avec discrétion et compétence, préparé et accompagné cette visite ad limina.
+ Guy Harpigny,
Évêque de Tournai